Au cours de l’annus horribilis que fut 2015, les difficultés de l’Europe qui cherchaient à s’extirper de la crise ont été amplifiées par la crise des réfugiés, le repli sur soi et des décisions unilatérales qui déconstruisent l’espace Schengen. Cela a amené un certain nombre de gouvernements à prendre des décisions discutables sur le plan du respect des droits humains et des valeurs européennes. Si la Hongrie vient directement à l’esprit, un autre pays souvent cité en exemple pour ses réalisations sociales et environnementales doit être mentionné: le Danemark qui envisage la confiscation de certains biens des migrants. La France endeuillée à deux reprises a, semble-t-il, voulu combattre le mal par le mal en considérant la déchéance de nationalité pour les binationaux se rendant coupables d’actes terroristes, clivant ainsi la population. Dans un autre registre, le nouveau gouvernement polonais a montré qu’il voulait reprendre en main le pouvoir judiciaire et le contre-pouvoir médiatique.

La crise qui s’éternise et à laquelle on serait tenté de s’accoutumer s’il n’y avait le désastre social qu’elle provoque a amené les Présidents des institutions européennes pour réformer la zone euro. Quelques jours plus tard, on évitait de justesse une expulsion (plutôt qu’une sortie) de la Grèce du club. L’échec anticipé du nième programme d’ « aide » qui sera quand même mis en oeuvre en raison des hypothèses exagérément optimistes sur lequel il repose signifie que le cas grec reviendra dans nos radars d’ici à l’été prochain.

Le dieselgate révélé par une ONG internationale et un régulateur… américain est un scandale sanitaire doublé d’un désastre environnemental sans précédent depuis la crise de la vache folle. Sans compter qu’il jette le discrédit sur un groupe (voire davantage si les informations qui ont filtré ces derniers jours sont confirmées) majeur de l’industrie automobile et pire encore, sur certaines personnalités politiques de premier plan soupçonnées d’avoir fermé les yeux.

Bref, l’année ne laissera pas de bons souvenirs. Mais ce serait trop simple de ne garder en tête que ces informations déprimantes qui ont marqué l’opinion publique. En effet, il ne faudrait pas oublier que si la bataille contre le Traité transatlantique est loin d’être gagnée, les débats au Parlement européen qui se sont soldés par une résolution mi-figue mi-raisin sont encourageants: il montre que le temps joue en faveur des anti-TTIP. On est en effet loin de la résolution résolument enthousiaste à l’idée de créer ce grand marché transatlantique adoptée deux années auparavant. L’absence de balises claires posées par les eurodéputés devrait inciter la Commission à la plus grande prudence lors des négociations. Elle a tenté de répondre à l’hostilité envers la clause permettant aux entreprises privées de trainer devant les tribunaux les Etats en proposant une formule alternative. Quelques semaines plus tard, elle publiait un projet de chapitre « développement durable ». Cependant, une analyse de ces deux initiatives nous conduit à penser qu’il s’agit de changements purement cosmétiques. Nous serons donc attentifs au Parlement européen mais aussi dans les parlements fédéral et régionaux, et avec nos partenaires de la société civile à ce qu’ils ne dupent personne. Par ailleurs, nous veillerons à attirer le maximum de regard sur les deux autres traités commerciaux que sont celui avec le Canada (CETA) qui devra être bientôt ratifié et celui sur l’accord général sur les services (TiSA), moins connu mais peut-être plus nocif.

L’accord climatique de Paris, loin d’être irréprochable, a le mérite d’exister alors que d’aucuns redoutaient un nouvel échec après Copenhague. Certes, il contient des failles mais le fait de rappeler l’impératif de limiter la hausse des températures à +2°C, voire 1,5°C alors que l’on se dirige vers une augmentation de +3°C est encourageant, d’autant que des mécanismes de révisions, de vérifications et de contrôles à intervalles réguliers ont été pensés. C’est le gage que l’accord ne peut pas être simplement oublié maintenant que les leaders mondiaux sont rentrés chez eux. On ne peut faire comme s’il n’avait jamais existé. Dans le même registre, l’Encyclique du Pape François sur l’écologie humaine donne davantage d’ampleur à notre discours en nous permettant de toucher des publics auxquels nous n’avions pas accès jusqu’à présent.

Les Verts ont été à l’initiative de la mise en place d’une commission d’enquête « dieselgate ». Celle-ci a été lancée presque un an jour pour jour après le démarrage de la commission spéciale TAXE que nous avions également initiée. Nous espérons que la commission identifiera tous les constructeurs automobiles fautifs, fera toute la clarté sur la chaîne de responsabilités, tirera toutes les conséquences des fraudes de VW et consorts et qu’elle poussera la Commission, bien trop mollassonne à ce jour dans ce dossier, à prendre les décisions qui s’imposent.

La situation internationale n’invite guère à l’optimisme. Dès lors, il n’y a pas de raison à s’attendre qu’en dépit du durcissement des contrôles et de l’élévation de nouvelles frontières au sein même de l’UE, les réfugiés continuent à risquer leur vie dans l’espoir d’offrir à leurs enfants des perspectives auxquelles chacun est naturellement droit d’aspirer. Il faudra faire en sorte que l’Europe – ni les Etats membres, dont la Belgique évidemment – ne tombe pas du côté obscur de la force sécuritaire pour juguler les réfugiés et que des solutions bénéfiques pour tous et respectueuses de chacun (alors que la population en âge de travailler commence à se contracter dans beaucoup de pays). Une chose est sûre cependant : ce n’est pas en baissant les bras que nous relèverons les multiples défis des temps présents. Trouver les chemins d’une Europe plus juste, plus durable et plus démocratique nécessite la mobilisation de toutes la créativité et de toutes les énergies; c’est à cela que je m’emploie comme co-président des Verts au Parlement Européen.

Petit rappel, qui est Philippe Lambert ?

Philippe LAMBERTS est né en 1963 à Bruxelles (Belgique). Il suit des études d’ingénieur (mathématiques appliquées) à l’Université Catholique de Louvain. De 1987 à 2009 il occupe différentes fonctions commerciales chez IBM. En juin 2009, il est élu pour un premier mandat comme eurodéputé. Sa carrière politique au sein du parti écologiste belge (Ecolo) commence en 1991, où il occupe différents postes et mandats au niveau local et fédéral. À partir de 1999, il s’implique de plus en plus dans la politique européenne, principalement à travers le Parti Vert Européen, dont il est le co-président entre 2006 et 2012. En mai 2014, il est réélu pour un deuxième mandat d’eurodéputé. Comme Membre du Parlement Européen (2009-2014 et 2014-2019), il se concentre sur les dossiers d’économie et de finance et devient un spécialiste des questions bancaires, macroéconomiques et fiscales. En juin 2014, il est élu co-président du Groupe des Verts/ALE au Parlement européen.

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